Des objets « chargés »

Vierge en Majesté,
Arnay-le-Duc, Bourgogne,
XIIe siècle Bois entoilé avec traces polychromes

Au cours des XIIe siècle et XIIIe siècles, le culte marial vit son apogée en Occident. Marie est désormais la plus apte à établir le lien entre le temporel et le spirituel. L’épanouissement d’une telle dévotion auprès de l’aristocratie mais aussi des ordres religieux et militaires, s’exprime particulièrement avec la production d’images cultuelles de la Vierge, destinées aux rites liturgiques. Ainsi, les représentations d’une Vierge trônant, tenant l’Enfant Jésus sur ses genoux, se multiplient.

La statue en bois entoilé présentée lors de cette vente, fut trouvée à Arnay-le-Duc, en Bourgogne. Il s’agit d’une Vierge et romane en Majesté, aussi dite « Sedes Sapientiae », en Trône de Sagesse. Datée du XIIe siècle, elle apparaît assise sur un trône rustique mais singulier, puisqu’il semble directement taillé dans la souche d’un arbre. Une autre particularité réside dans la finition des accoudoirs taillés en boule aux extrémités. La Vierge couronnée, à la posture frontale et hiératique, est vêtue d’une tunique et d’un pallium, sommairement sculptés. Elle tient entre ses mains l’Enfant Jésus. La tête de l’Enfant est manquante. Cependant, on le voit encore esquisser un geste de bénédiction à l’égard des fidèles. La statue présente des traces de polychromie bleu et rouge. Des fragments de toile sont également observables. Le bas du corps de la Vierge se confond avec le siège, elle-même devenant le trône du Sauveur.

Une autre Vierge en Majesté très similaire, est conservée au Musée des Beaux-Arts de Beaune. Son origine ? Arnay-le-Duc. En 2012, elle fait l’objet d’un don au musée, de la part des époux Berger, antiquaires à Beaune. Datée de la fin du XIIe siècle et réalisée en bois polychrome, cette Vierge couronnée adopte la même posture droite que sa consœur d’Arnay-le-Duc. Le trône sur lequel elle est assise dispose des mêmes caractéristiques, ses quatre extrémités étant sculptées de boules. Le traitement de ses vêtements est également peu détaillé. Le visage ovale de la Vierge révèle une bouche fine, un regard presque absent. Elle présente aux fidèles l’Enfant adressant un geste de bénédiction.

Ancien chef-lieu du canton des Gaules, Arnay-le-Duc est, au Moyen Âge, une plaque tournante commerciale, le carrefour de grandes voies routières assurant une liaison vers Saulieu, Beaune, Sombernon ou encore Autun. La collection du Metropolitan Museum of Art contient quatre sculptures françaises en bois polychrome, du XIIe siècle. La plus ancienne, datée des années 1130, est une Vierge en Majesté, dont les caractères formels s’apparentent

aux sculptures de la façade ouest de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun. Cette fois-ci, les particularités stylistiques de cette madone diffèrent de celles des Vierges d’Arnay et Beaune. Cependant, la multiplication d’une statuaire mariale en bois polychrome, au XIIe siècle en Bourgogne, témoigne d’une importante production de Vierges de procession, répondant aux besoins des fidèles et pèlerins, en route vers Compostelle. Siège d’un important évêché durant le Moyen Âge, Autun est, avec Arnay-le- Duc, à la croisée de ces échanges économiques et religieux. Notre Vierge d’Arnay-le-Duc ainsi présentée lors de cette vente, et celle de Beaune trouvée également à Arnay, sont tant similaires qu’elles proviennent certainement du même atelier, celui d’un sculpteur et de ses disciples prolifiques, que nous nommerons Maître d’Arnay.

Audrey Pennel.

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